CE QUE RÉVÈLE LA CRISE DES RÉFUGIÉS, par François Leclerc

Billet invité.

Les opérations de secours se poursuivent en Méditerranée sur un rythme quasi quotidien. Quand ils ne se noient pas, les réfugiés d’Afrique subsaharienne atteignent le sol italien à un rythme similaire à celui de l’année dernière. 48.000 d’entre eux y sont depuis le début de l’année arrivés selon le HCR, mais quel sort les attend une fois débarqués ?

Les frontières italiennes leur sont fermées, les bloquant dans le pays. Une situation similaire à celle de la Grèce se développe, qui va à la longue acquérir une dimension encore plus importante. Avec pour l’empêcher un futur blocage des départs depuis la Libye, et comme obstacle la situation interne chaotique du pays qui empêche les forces navales de pénétrer dans les eaux territoriales, faute d’un gouvernement ayant l’autorité pour l’autoriser.

Les capacités d’accueil sont insuffisantes en Italie, et les campements de fortune se multiplient. D’après trois ONG actives dans le pays, une dizaine de milliers de réfugiés vivent dans des conditions « critiques », dans des gares, des bâtiments occupés, des camps de fortune. MSF, Save the Children et l’Oxfam mettent en garde les autorités devant le risque d’une « idomenisation », sur le mode de ce gigantesque camp à la frontière de la Grèce et de la Macédoine où les réfugiés s’étaient installés dans l’espoir d’une ouverture de la frontière, qui a depuis été vidé avec peine.

La Route des Balkans n’est pas hermétiquement fermée et des réfugiés parviennent en Hongrie depuis la Serbie et le Kosovo, avant d’arriver en Autriche. Avant-hier, ils étaient 185 à avoir franchi cette dernière étape, selon le pointage quotidien du HCR. Mais les autorités autrichiennes cherchent désormais à refouler vers la Hongrie, qui s’y oppose, des milliers de réfugiés demandeurs d’asile. Le gouvernement hongrois est hostile à tout accueil des réfugiés et a érigé des clôtures de barbelés à la frontière du pays avec la Serbie et la Croatie. Seule une quinzaine de demandeurs d’asile est quotidiennement autorisée à entrer dans la pays, des centaines d’autres sont laissés dans l’attente et campent sans aucune assistance dans des « zones de transit » à cette frontière avec l’Union européenne.

A Bruxelles, d’autres préoccupations plus immédiates ont pris le dessus, tandis que les dirigeants politiques allemands essayent de conjuguer leur rejet de la politique du régime autocratique turc avec la préservation du fragile accord qui les lie à lui. Pour ne pas tenter le diable, une décision à propos de l’exonération de visa des Turcs ne pourra pas être éternellement repoussée, et ceux qui la prendront devront alors manger leur chapeau.

Quant à préparer plus avant l’avenir, il n’en est pas question : les désaccords entre les gouvernements européens à propos de la proposition allemande d’un mécanisme permanent de répartition des réfugiés bloquent tout. La crise politique européenne est alimentée par une poussée xénophobe qui épargne peu de pays, elle aussi à porter au débit de la stratégie calamiteuse de dirigeants dépassés qui ne parviennent pas à s’en dépêtrer lorsqu’ils le recherchent. Tout leur réussi ! Pour éviter d’accélérer son démantèlement, l’Union européenne se referme sur elle-même, mais ce n’est que partie remise dans ces conditions.